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tournait contre lui. Les princesses mirent leurs livres sur leurs yeux pour cacher leurs larmes. La reine et ses enfants ne pouvaient plus respirer l’air du dehors. Chaque fois qu’on ouvrait les fenêtres, on entendait crier sur la terrasse des Feuillants : La Vie de Marie-Antoinette. Des colporteurs étalaient des estampes infâmes où la reine était représentée en Messaline et le roi en Vitellius. Les éclats de rire de la populace répondaient aux apostrophes obscènes que ces hommes adressaient du geste aux fenêtres du château. L’intérieur même des appartements n’était pas à l’abri de l’insulte et du danger. Une nuit, le valet de chambre qui veillait dans un corridor à la porte de la reine lutta avec un assassin qui se glissait dans l’ombre. Marie-Antoinette s’élança de sa couche au bruit. « Quelle situation ! s’écria-t-elle ; des outrages le jour, des meurtres la nuit ! »


XI

À chaque instant on s’attendait à de nouveaux assauts des faubourgs. Une nuit où l’on croyait à une irruption, le roi et Madame Élisabeth, réveillés et debout, avaient défendu d’éveiller la reine. « Laissez-la prendre quelques heures de repos, dit le roi à madame Campan, elle a bien assez de peines ! ne les devançons pas. » À son réveil, la reine se plaignit amèrement de ce qu’on l’avait laissée dormir pendant les alarmes du château. « Ma sœur Élisabeth était près du roi, et je dormais ! s’écria-t-elle. Je suis sa