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royauté dans une tempête, et pour faire éclore la république ou la dictature d’une acclamation des fédérés. « Nous sommes un million de factieux, » écrivait le Girondin Carra dans sa feuille.

La nation tout entière, alarmée sur son existence, sans défenseurs sur ses frontières, sans gouvernement au dedans, sans confiance dans ses généraux, voyant les déchirements des factions dans l’Assemblée, et se croyant trahie par la cour, était dans cet état d’émotion et d’angoisse qui livre un peuple au hasard de tous les événements. La Bretagne commençait à s’insurger au nom de la religion sous le drapeau du roi. Cette insurrection, toute populaire, dans les nobles ne chercha que des chefs. La guerre de la Vendée, destinée à devenir bientôt si terrible, fut dès le premier jour une guerre de conscience dans le peuple, une guerre d’opinion dans les chefs. L’émigration s’armait pour le roi et pour l’aristocratie, la Vendée pour Dieu.

Un simple cultivateur, Alain Redeler, le 8 juillet, à la sortie de la messe, dans la paroisse de Fouestan, indiqua aux paysans un rassemblement armé pour le lendemain auprès de la petite chapelle des landes de Kerbader. À l’heure dite, cinq cents hommes s’y trouvèrent déjà réunis. Ce rassemblement, bien différent des rassemblements tumultueux de Paris, témoignait par son attitude le recueillement de ses pensées. Les signes religieux s’y mêlaient aux armes. La prière y consacrait l’insurrection. Le tocsin sonnait de clocher en clocher. La population des campagnes tout entière répondait à l’appel des cloches comme à la voix de Dieu lui-même. Mais aucun désordre ne souilla ce soulèvement. Le peuple se contentait d’être debout, et ne demandait que la liberté de ses autels. Les gardes nationales, la