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allaient annoncer cette nouvelle à la capitale. Je craignis que quelques-uns de ces hommages que la capitale devait au roi seul ne fussent détournés vers moi. Même conduite de ma part aux journées d’octobre. Je m’absente pour ne pas ajouter un élément de plus à la fermentation du peuple. Je ne reparais qu’avec le calme. Rencontré à Sèvres par les bandes peu nombreuses d’assassins qui rapportaient les têtes coupées des gardes du roi, ces hommes se précipitent à la tête de mes chevaux, et l’un d’eux tire un coup de fusil sur mon postillon. C’est moi, prétendu chef de ces hommes, qui manque d’être leur victime ! Je ne dois mon salut qu’à un poste de la garde nationale qui me donne une escorte jusqu’à Versailles, où je me rends chez le roi en réprimant les dernières clameurs du peuple dans la cour des Ministres. Je concours au décret qui déclare l’Assemblée inséparable de la personne du roi. C’est alors que M. de La Fayette me demande un rendez-vous et me témoigne, de la part du roi, son désir de me voir m’éloigner de Paris, pour enlever tout prétexte aux agitations populaires. Sûr désormais du triomphe de la révolution accomplie, et ne redoutant pour elle que les troubles dont on pourrait vouloir entraver sa marche, j’obéis sans hésitation, ne demandant à mon départ d’autre condition que la permission de l’Assemblée nationale. Elle l’accorda, je partis. Le peuple de Boulogne, remué par une intrigue qui peut se rattacher à moi, mais à laquelle je me suis montré étranger, puisque je n’y cédai pas, voulut me retenir de force et s’opposa à mon embarquement. Je fus attendri, je l’avoue ; mais je ne cédai pas à cette violence de la faveur du peuple, et je le ramenai moi-même au devoir. On abusa de ce voyage et de mon absence pour m’imputer, sans réfutation de ma part, les plus odieux attentats.