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J’avais été en Angleterre, j’y avais vu la vraie liberté ; je ne doutai pas aux états généraux que la France ne voulût la conquérir. À peine eus-je entrevu que la France aurait des citoyens, que je voulus être un de ces citoyens moi-même. Je fis légèrement tous les sacrifices de rang et de privilége qui me séparaient de la nation. Ils ne me coûtèrent rien. J’aspirai à être député ; je le fus : je passai du côté du tiers état, non par faction, mais par justice. Il était, selon moi, impossible, dès ce moment, d’empêcher la Révolution de s’accomplir. Quelques personnes autour du roi pensèrent autrement. On rassembla des troupes ; elles entourèrent l’Assemblée nationale. Paris se crut menacé et se souleva ; les gardes françaises, vivant au milieu du peuple, suivirent le courant du peuple. On répandit le bruit que mon or avait acheté ce régiment. Je dirai franchement mon opinion. Si les gardes françaises s’étaient conduits autrement, c’est alors que j’aurais cru qu’on les avait achetés ; car leur hostilité au peuple de Paris eût été contre nature. On porta mon buste avec celui de M. Necker au 14 juillet ! Pourquoi ? Parce que ce ministre des espérances publiques était adoré de la nation, et que mon nom se trouvait sur les listes des députés à l’Assemblée qui devaient, disait-on, être arrêtés avec ce ministre par les troupes appelées autour de Versailles. Au milieu de ces événements si favorables à un factieux, que fis-je pour en profiter ? Je me dérobai sans affectation aux regards du peuple, je ne le flattai point sur ses excès, je me retirai à ma maison de Mousseaux, j’y passai la nuit ; le lendemain, je me rendis sans suite à l’Assemblée nationale à Versailles. Au moment plus heureux où le roi se décida à se jeter dans les bras de cette Assemblée, je me refusai à faire partie de la députation de ceux de ses membres qui