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Guadet consentit à une entrevue secrète aux Tuileries. La nuit couvrit sa démarche : une porte et un escalier dérobés le conduisirent dans un appartement où le roi et Marie-Antoinette l’attendaient seuls. La simplicité et la bonhomie de Louis XVI triomphaient au premier abord des préventions politiques des hommes droits qui l’approchaient. Il accueillit Guadet comme on accueille une dernière espérance. Il lui peignit l’horreur de sa situation comme roi, et surtout comme époux et comme père. La reine versa des larmes devant le député. L’entretien se prolongea longtemps dans la nuit. Des conseils furent demandés, donnés, non suivis peut-être. La bonne foi était des deux côtés dans les cœurs, la constance et la fermeté de résolution n’y étaient pas. Quand Guadet voulut se retirer, la reine lui demanda s’il ne désirait pas voir le Dauphin ; et, prenant elle-même un flambeau sur la cheminée, elle le conduisit dans un cabinet où le jeune prince était couché. L’enfant dormait. Les charmes de sa figure, son sommeil tranquille dans ce palais troublé, cette jeune mère, reine de France, se couvrant, pour ainsi dire, de l’innocence de son fils pour exciter la commisération d’un ennemi de la royauté, attendrirent Guadet. Il écarta de la main les cheveux qui couvraient le visage du Dauphin, et l’embrassa sur le front sans le réveiller. « Élevez-le pour la liberté, madame, elle est la condition de sa vie, » dit Guadet à la reine ; et il déroba quelques larmes sous ses paupières.

Ainsi la nature prévaut toujours, dans le cœur de l’homme, sur l’esprit de parti. Étrange spectacle donné à l’histoire par la destinée, dans cette chambre où dort un enfant, et qu’éclaire de sa propre main une reine ! Cet homme qui baise en pleurant le front de ce jeune roi est un de ceux qui