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IX

Les Girondins eux-mêmes eurent à cette époque de mystérieuses intelligences avec la cour. Mais si le patriotisme et l’ambition des hommes de ce parti se prêtèrent à ces relations, aucune vénalité ne les corrompit. Guadet, le plus redouté de ces orateurs par la cour, reçut des propositions et les repoussa avec indignation. Le sentiment désintéressé de l’antique vertu républicaine élevait le cœur de ces jeunes hommes au-dessus de ces viles tentations. On pouvait les séduire par la gloire, par la compassion, jamais par l’or.

Guadet à vingt ans était déjà orateur politique. Son opposition mordante lui avait fait refuser longtemps le titre d’avocat au parlement de Bordeaux. Plus tard sa parole l’y rendit célèbre. Sa célébrité le désigna au parti populaire. L’élection l’arracha à la vie privée et à l’amour d’une jeune femme qu’il venait d’épouser. Le mouvement politique l’entraîna à la tribune nationale. Moins splendide que celle de Vergniaud, sa parole frappait des coups également terribles. Aussi honnête, mais plus âpre, on l’admirait moins, on le craignait plus. Le roi, qui connaissait l’ascendant de Guadet, désira se l’attacher par la confiance, cette séduction des cœurs généreux. Les Girondins flottaient encore entre la monarchie constitutionnelle et la république. Dévoués à la démocratie, ils étaient prêts à la servir sous la forme qui leur assurerait le plus vite sa direction.