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forcenés, l’avait rassurée sur ses jours. Elle croyait tenir, par les mains de mystérieux agents, les fils de la conduite des grands démagogues. On la trompait sur plusieurs d’entre eux. De là ces bruits de corruption qui couraient alors sur Robespierre, sur Santerre, sur Marat. Elle venait de faire remettre à Danton cent cinquante mille livres, pour confirmer par des largesses l’ascendant de cet orateur sur le peuple des faubourgs. Madame Élisabeth elle-même comptait fermement sur Danton. Elle souriait avec complaisance à cette image de la force populaire qu’elle croyait acquise à son frère. « Nous ne craignons rien, dit-elle en secret à la marquise de Raigecourt, sa confidente, Danton est avec nous. » La reine répondait à un aide de camp de La Fayette qui la conjurait de se réfugier au milieu des troupes : « Nous sommes bien reconnaissants des desseins de votre général ; mais ce qu’il y a de mieux pour nous, c’est d’être renfermés trois mois dans une tour. »

Le secret de l’abandon des Tuileries sans résistance, le 10 août, et de la translation de la famille royale dans la tour du Temple, est dans ces mots de Marie-Antoinette et de Madame Élisabeth. Danton connaissait la pensée de la reine, et la reine comptait sur Danton pour cet emprisonnement temporaire du roi. Tel était l’aveuglement du moment, que, protecteur pour protecteur, à La Fayette elle préférait Danton.