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et qu’il n’y avait ni baïonnettes ni mesures pour appuyer cette manifestation désarmée, ils commencèrent à se rassurer. Ils laissèrent le général sans soldats traverser triomphalement la salle et aller s’asseoir au banc des plus humbles pétitionnaires. Ils tâtèrent même son ascendant sur l’Assemblée pour voir s’il était solide. « Au moment où j’ai vu M. de La Fayette, dit ironiquement M. Guadet, une idée bien consolante s’est offerte à mon esprit : « Ainsi, me suis-je dit, nous n’avons plus d’ennemis extérieurs. Ainsi les Autrichiens sont vaincus ! » L’illusion n’a pas duré longtemps ; nos ennemis sont toujours les mêmes, nos dangers extérieurs n’ont pas changé, et cependant M. de La Fayette est à Paris ! il se constitue l’organe des honnêtes gens et de l’armée ! Ces honnêtes gens, qui sont-ils ? Cette armée, comment a-t-elle pu délibérer ? Mais d’abord qu’il nous montre son congé ! »

Les applaudissements revinrent à la Gironde. Ramond veut répondre à Guadet : il fait un éloge emphatique de La Fayette, « ce fils aîné de la liberté française, cet homme qui a sacrifié à la Révolution sa noblesse, sa fortune, sa vie ! — Faites-vous donc son oraison funèbre ? » crie Saladin à Ramond. Le jeune Ducos déclare que la liberté des délibérations est opprimée par la présence d’un général d’armée. Isnard, Morveau, Ducos, Guadet, se groupent sur les marches de la tribune. Le mot de scélérat se fait entendre. Vergniaud dit que M. de La Fayette a quitté son poste devant l’ennemi, que c’est à lui et non à un maréchal de camp que la nation a confié le commandement d’une armée, qu’il faut savoir seulement s’il l’a quittée sans congé. Guadet insiste sur sa proposition. Gensonné demande l’appel nominal. L’appel nominal donne une faible majorité aux