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jardin, les vestibules des Tuileries furent remplis d’une population émue et consternée, qui par son attitude et par ses paroles semblait vouloir venger la royauté des outrages dont on venait de l’abreuver. On se montrait avec horreur, aux guichets, aux grilles, aux fenêtres du château, les stigmates de l’insurrection. On se demandait où s’arrêterait une démocratie qui traitait ainsi les pouvoirs constitués. On se racontait les larmes de la reine, les frayeurs des enfants, le dévouement surnaturel de Madame Élisabeth, la dignité intrépide de Louis XVI. Ce prince n’avait jamais manifesté et ne manifesta jamais, depuis, plus de magnanimité. L’excès de l’insulte avait découvert en lui l’héroïsme de la résignation. Jusque-là on avait douté de son courage. Ce courage se trouva grand. Mais sa fermeté était modeste, et, pour ainsi dire, timide comme son caractère. Il fallait que des circonstances extrêmes la relevassent malgré lui. Le roi, pendant cinq heures de supplice, avait vu sans pâlir les piques et les sabres de quarante mille fédérés passer à quelques doigts de sa poitrine. Il avait déployé dans cette lente revue de la sédition plus d’énergie et couru plus de périls qu’il n’en faut à un général pour gagner dix batailles. Le peuple de Paris le sentait. Pour la première fois il passait de l’estime et de la compassion jusqu’à l’admiration pour Louis XVI. De toutes parts des voix s’élevaient demandant à le venger.