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IX

Les Girondins, dépassant du premier pas le parti des Barnave et des Lameth, indiquaient la volonté de pousser la France sans préparation dans la république. Le duc d’Orléans, que son long séjour en Angleterre avait laissé réfléchir loin de l’entraînement des événements et des factions, sentit son sang de Bourbon parler en lui. Il ne cessa pas d’être patriote ; mais il comprit que le salut de la patrie, au moment d’une guerre imminente, n’était pas dans l’anéantissement du pouvoir exécutif. Sans doute aussi la pitié pour le roi et pour la reine se réveilla dans un cœur où la haine n’avait pas étouffé toute générosité. Il se sentit trop vengé par les journées des 5 et 6 octobre, par l’humiliation du roi devant l’Assemblée, par les insultes quotidiennes de la populace sous les fenêtres de Marie-Antoinette, et par les nuits sinistres de cette famille, dont le palais n’était plus qu’une prison ; peut-être aussi craignait-il pour lui-même l’ingratitude des révolutions.

Il était parti pour l’Angleterre par contrainte ; il y était resté par une appréhension réelle que son nom ne servît de prétexte à des agitations dans Paris. Laclos était venu de temps en temps à Londres pour tenter de nouveau l’ambition de l’exilé et lui faire honte d’une condescendance à La Fayette, que la France prenait pour lâcheté. L’orgueil du prince s’était soulevé à cette idée, il menaçait de repartir ;