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atroces, les gestes, les regards, les armes, les costumes, les repentirs soudains de cette multitude. Le roi, en ce moment, s’étant par hasard approché d’une glace, aperçut sur sa tête le bonnet rouge qu’on avait oublié de lui ôter. Il rougit, le lança avec dégoût à ses pieds, et, se jetant dans un fauteuil, il porta un mouchoir à ses yeux. « Ah ! madame, s’écria-t-il en regardant la reine, pourquoi faut-il que je vous aie arrachée à votre patrie pour vous associer à l’ignominie d’un pareil jour ! »


XXV

Il était huit heures du soir. Le supplice de la famille royale avait duré cinq heures. La garde nationale des quartiers voisins, rassemblée d’elle-même, arrivait homme par homme pour prêter secours à la constitution. On entendait encore de l’appartement du roi les pas tumultueux et les cris sinistres des colonnes du peuple qui s’écoulaient lentement par les cours et par le jardin. Les députés constitutionnels accoururent indignés et se répandant en imprécations contre Pétion et les Girondins. Une députation de l’Assemblée parcourut le château pour constater les traces de violence et de désordre laissées par l’expédition des faubourgs. La reine lui montra du geste les serrures forcées, les gonds arrachés, les tronçons d’armes, les fers des piques, les panneaux de boiseries et jusqu’à la pièce de canon chargée à mitraille qui jonchaient le seuil des appar-