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chef de la nation et du chef de la famille. » Mirabeau ne doutait pas du soulèvement de l’Assemblée contre une si odieuse tentative, et promit aux amis du duc d’Orléans un de ces retours d’opinion qui élèvent un homme plus haut que le rang d’où il est tombé. Ces paroles, soutenues des supplications de Laclos, de Sillery, de Lauzun, ébranlèrent une seconde fois la résolution du prince. Il vit de la honte dans cet exil volontaire, où il n’avait vu d’abord que de la magnanimité. À la pointe du jour, il écrivit qu’il ne partirait pas.

La Fayette le fait appeler chez le ministre des affaires étrangères. Là, le prince, vaincu de nouveau, écrit à l’Assemblée une lettre qui détruit d’avance tout l’effet de la dénonciation de Mirabeau. « Mes ennemis prétendent, dit le duc à La Fayette, que vous vous vantez d’avoir contre moi des preuves de complicité dans les attentats du 5 octobre. — Ce sont plutôt mes ennemis qui le disent, lui répondit La Fayette ; si j’avais des preuves contre vous, je vous aurais déjà fait arrêter. Je n’en ai pas, mais j’en cherche. » Le duc d’Orléans partit.

Neuf mois s’étaient écoulés depuis son retour. L’Assemblée constituante avait laissé sans autre tutelle que l’anarchie la constitution qu’elle venait de voter. Le désordre était dans le royaume ; les premiers actes de l’Assemblée législative annonçaient l’hésitation d’un peuple qui fait une halte sur une pente, mais qui la descendra jusqu’au fond.