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lui un exil arbitraire sous les apparences d’une mission librement acceptée. Il fit prier le duc d’Orléans de lui donner un rendez-vous chez la marquise de Coigny, femme noble et spirituelle, attachée à La Fayette, et dans le salon de laquelle le duc d’Orléans se rencontrait quelquefois avec lui. À la suite d’une conversation que les murs seuls entendirent, mais dont les résultats peuvent donner le sens, et que Mirabeau, dont elle fut connue, appelait très-impétueusement d’un côté, très-résignée de l’autre, il fut convenu que le duc d’Orléans partirait immédiatement pour Londres.

Les amis de ce prince le firent changer de résolution dans la nuit. Il en informa La Fayette par un billet. La Fayette lui indiqua un second rendez-vous, le somma de tenir sa parole, lui enjoignit de partir dans les vingt-quatre heures, et le conduisit chez le roi. Là, le prince accepta la mission fictive et promit de ne rien négliger pour déjouer en Angleterre les complots des artisans des troubles du royaume. « Vous y êtes plus intéressé que personne, lui dit La Fayette en présence du roi, car personne n’y est plus compromis que vous. » Mirabeau, instruit de cette oppression de La Fayette et de la cour sur l’esprit du duc d’Orléans, offrit au duc ses services, le tenta par les dernières séductions du rang suprême. Le plan de son discours du lendemain à l’Assemblée était déjà conçu. Il dénoncerait comme une conspiration du despotisme ce coup d’État contre un seul citoyen dans lequel la liberté de tous les citoyens était atteinte, « cette violation de l’inviolabilité des représentants de la nation dans l’exil transparent d’un prince du sang ; il montrerait La Fayette se servant de la main royale pour frapper ses rivaux de popularité, et pour couvrir sa dictature insolente de la sanction vénérable du