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encore ! mais prenez garde à vous, la mesure est comble, le peuple est las d’être votre jouet et votre victime. » Legendre, après ces paroles menaçantes, lut une pétition en termes aussi impérieux, dans laquelle il demandait au nom du peuple le rappel des ministres girondins et la sanction immédiate des décrets. Le roi répondit avec une dignité intrépide : « Je ferai ce que la constitution m’ordonne de faire. »


XXI

À peine un flot de peuple était-il écoulé, qu’un autre lui succédait. À chaque invasion nouvelle du rassemblement, les forces du roi et du petit nombre de ses défenseurs s’épuisaient dans cette lutte renaissante avec une foule qui ne se lassait pas. Les portes ne suffisaient déjà plus à l’impatiente curiosité de ces milliers d’hommes accourus à ce pilori de la royauté. Ils entraient par les toits, par les fenêtres, par les galeries élevées qui ouvrent sur les terrasses. Leurs escalades amusaient les spectateurs innombrables pressés dans le jardin. Les battements de mains, les bravos, les éclats de rire de cette foule extérieure encourageaient les assaillants. De sinistres dialogues s’établissaient à haute voix entre les séditieux d’en haut et les impatients d’en bas. « L’a-t-on frappé ? est-il mort ? jetez-nous les têtes ! » criaient des voix. Des membres de l’Assemblée, des journalistes girondins, des hommes politiques, Garat, Gorsas, Marat, mêlés à cette foule, échangeaient des plaisante-