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roigne et Saint-Huruge se précipitent sur la porte du palais. Les plus téméraires et les plus robustes des hommes de leur cortége s’engouffrent sous la voûte qui conduit du Carrousel au jardin ; ils écartent violemment les canonniers, s’emparent d’une des pièces, l’arrachent de son affût, et la portent à bras d’hommes jusque dans la salle des Gardes, au sommet du grand escalier. La foule, enhardie par ce prodige de force et d’audace, inonde la salle, et se répand comme un torrent dans tous les escaliers et dans tous les corridors du château. Toutes les portes s’ébranlent ou tombent sous les épaules ou sous les haches de cette multitude. Elle cherche à grands cris le roi, une porte seule l’en sépare ; la porte ébranlée est prête à céder sous l’effort des leviers et sous les coups de pique des assaillants.


XVIII

Le roi, qui se fiait aux promesses de Pétion et aux forces nombreuses dont le palais était entouré, avait vu sans inquiétude la marche du rassemblement.

L’assaut soudainement donné à sa demeure l’avait surpris dans une complète sécurité. Retiré avec la reine, Madame Élisabeth et ses enfants dans ses appartements intérieurs du côté du jardin, il écoutait gronder de loin ces masses, sans penser qu’elles pourraient pénétrer jusqu’à lui. Les voix de ses serviteurs effrayés, fuyant de toutes parts ; le fracas des portes qui se brisent et qui tombent sur les