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meure du roi contre l’invasion des faubourgs. Trois régiments de ligne, deux escadrons de gendarmerie, plusieurs bataillons de garde nationale et du canon composaient ces moyens de défense. Ces troupes indécises, travaillées par la sédition, n’étaient qu’une apparence de force. Les cris de : « Vive la nation ! » les gestes amis des insurgés, la vue des femmes tendant les bras aux soldats à travers les grilles, la présence des officiers municipaux qui montraient dans leur attitude une neutralité dédaigneuse pour le roi, tout ébranlait le sentiment de la résistance dans le cœur de ces troupes : elles voyaient des deux côtés l’uniforme de la garde nationale. Entre la population de Paris, dont elles partageaient les sentiments, et le château, qu’on leur disait plein de trahisons, elles ne savaient plus où était le devoir. En vain M. Rœderer, ferme organe de la constitution ; en vain des officiers supérieurs de la garde nationale, tels que MM. Acloque et Romainvillers, leur présentaient le texte abstrait de la loi, qui leur ordonnait de repousser la force par la force. L’Assemblée leur donnait l’exemple de la complicité ; le maire Pétion se dérobait à sa responsabilité ; le roi immobile se réfugiait dans son inviolabilité ; les troupes, abandonnées à elles-mêmes, ne pouvaient tarder à se rompre devant la menace ou devant la séduction.

Dans l’intérieur du palais, environ deux cents gentilshommes, ayant à leur tête le vieux maréchal de Mouchy, étaient accourus au premier bruit des dangers du roi. C’étaient des victimes volontaires du vieil honneur français plus que des défenseurs utiles de la monarchie. Craignant d’exciter les ombrages de la garde nationale et des troupes, ces gentilshommes se tenaient cachés dans les appartements, prêts à mourir plutôt qu’à combattre. Ils ne por-