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La conduite de ce prince ne fut qu’une expectative, soit qu’il ne voulût recevoir la couronne que de la fatalité des événements et sans tendre la main vers sa fortune, soit qu’il eût plus d’indifférence que d’ambition pour le rang suprême, soit enfin qu’il ne voulût pas mettre sa royauté comme une halte sur la route de la liberté, qu’il aspirât sincèrement à la république, et que le titre de premier citoyen d’une nation libre lui parût plus grand que le titre de roi.


VII

Néanmoins, peu de temps après les journées des 5 et 6 octobre, La Fayette voulut rompre la liaison du duc d’Orléans et de Mirabeau. Il résolut d’éloigner à tout prix ce prince de la scène, et de le forcer, par une contrainte morale ou par la terreur d’un procès pour crime d’État, à s’exiler à Londres. Il fit entrer le roi et la reine dans ce plan en les alarmant sur les complots du prince et en leur montrant en lui un compétiteur du trône. La Fayette disait un jour à la reine que ce prince était le seul homme sur qui le soupçon d’une si haute ambition pût tomber. « Monsieur, lui répondit la reine en le regardant avec une affectation d’incrédulité, est-il donc nécessaire d’être prince pour prétendre à la couronne ? — Du moins, madame, répliqua le général, je ne connais que le duc d’Orléans qui en voulût. » La Fayette présumait trop de l’ambition du prince.