Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veilla à la chute des Girondins. Elle aussi, elle voulait arrêter la Révolution. Mais il y avait des femmes encore au-dessous d’elle. Ces femmes, qu’on appelait les furies de la guillotine, dépouillèrent de ses vêtements la belle Liégeoise et la fouettèrent en public sur la terrasse des Tuileries, le 31 mai. Ce supplice, plus infâme que la mort, égara sa raison. Ramassée dans la boue, jetée dans une loge d’aliénés au fond d’un hospice, elle y vécut vingt ans. Ces vingt ans ne furent qu’un long accès de fureur. Impudique et sanguinaire dans ses songes, elle ne voulut jamais revêtir de vêtements, en souvenir de l’outrage qu’elle avait subi. Elle se traînait nue, ses cheveux blancs épars, sur les dalles de sa loge ; elle entrelaçait ses mains décharnées aux barreaux de sa fenêtre. Elle faisait de là des motions à un peuple imaginaire, et demandait le sang de Suleau.


XII

Derrière Théroigne de Méricourt marchaient des démagogues moins connus de Paris, mais déjà célèbres dans leurs quartiers : tels que Rossignol, ouvrier orfévre ; Brierre, marchand de vin ; Gonor, vainqueur de la Bastille ; Jourdan, coupe-tête ; le fameux Jacobin polonais Lazouski, enseveli plus tard par le peuple au Carrousel ; Hanriot enfin, depuis général de confiance de la Convention. À mesure que les colonnes pénétraient dans l’intérieur de Paris, elles se grossissaient de nouveaux groupes qui débouchaient des