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organisées avaient parmi les citoyens leur parti, leurs clubs, leurs rassemblements, leur armée, leur mot d’ordre. L’anarchie s’était elle-même disciplinée. Son désordre n’était qu’extérieur. Une âme cachée l’animait et la dirigeait à son insu. De même qu’une armée a des chefs qu’elle reconnaît à leur intelligence et à leur audace, les quartiers et les sections de Paris avaient leurs meneurs auxquels ils obéissaient. Des popularités secondaires, déjà invétérées dans la ville et dans les faubourgs, s’étaient fondées derrière les grandes popularités nationales de Mirabeau, de La Fayette, de Bailly. Le peuple avait foi dans tel nom, avait confiance dans tel bras, avait faveur pour tel visage. Quand ces hommes se montraient, parlaient, marchaient, la multitude marchait avec eux, sans savoir même où le courant de la foule l’entraînait. Il suffisait aux chefs d’indiquer un rassemblement, de faire courir une terreur panique, de souffler une colère soudaine, d’indiquer un but quelconque, pour que des masses aveugles se trouvassent prêtes à l’action au lieu désigné.


IV

C’était le plus souvent sur l’emplacement de la Bastille, mont Aventin du peuple, camp national, où la place et les pierres lui rappelaient sa servitude et sa force. De tous ces hommes qui gouvernaient les agitateurs des faubourgs, le plus redoutable était Danton. Camille Des-