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de leurs conciliabules ; il régnait sous leur nom ; leur chute ne le renversait pas, mais elle lui arrachait le pouvoir exécutif. Les Girondins expulsés n’avaient pas besoin de souffler leur soif de vengeance dans l’âme de Pétion. Ne pouvant plus conspirer légalement contre le roi avec ses ministres, il lui restait à conspirer avec les factions contre les Tuileries. La garde nationale, le peuple, les Jacobins, les Cordeliers, les faubourgs, la ville, étaient dans ses mains. Il pouvait donner la sédition à la Gironde pour aider ce parti à reconquérir le ministère ; il la lui donna avec tous ses hasards, avec tous les crimes que la sédition pouvait renfermer dans son sein. Parmi ces hasards était l’assassinat du roi et de sa famille. Cet événement était accepté d’avance par ceux qui provoquaient l’attroupement des masses et leur invasion dans le palais du roi. Girondins, orléanistes, républicains, anarchistes, aucun de ces partis peut-être ne rêvait ce crime ; tous le considéraient comme une éventualité de leur fortune. Pétion, qui ne le voulait pas sans doute, le risqua du moins. Si son intention fut innocente, sa témérité fut un meurtre. Quelle distance y avait-il entre le fer de vingt mille piques et le cœur de Louis XVI ? Pétion ne livra pas la vie du roi, celles de la reine et de leurs enfants, mais il les joua.

La garde constitutionnelle du roi venait d’être licenciée avec outrage par les Girondins. Le duc de Brissac, qui la commandait, était envoyé et la haute cour d’Orléans pour des complots imaginaires. Son seul complot était son honneur. Il avait juré de mourir en soldat fidèle pour défendre son maître et son ami. Il pouvait s’évader. Le roi lui conseillait de fuir, il ne le voulut pas : « Si je fuis, répondit-il aux instances du roi, on croira que je suis coupable, on