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par son ministre. Les passions troublent la conscience du peuple. Il y a des jours où la perfidie passe pour de l’héroïsme. Les Girondins firent de Roland un héros. On ordonna l’impression de sa lettre et son envoi aux quatre-vingt-trois départements.

Roland sortit couvert d’applaudissements. Dumouriez entra au milieu des huées. Il eut à la tribune le sang-froid du champ de bataille. Il commença par annoncer à l’Assemblée la mort du général Gouvion. « Il est heureux, dit-il avec tristesse, d’être mort en combattant contre l’ennemi et de ne pas être témoin des discordes qui nous déchirent. J’envie sa mort. » On sentait dans son accent la sérénité énergique d’une âme forte, résolue à lutter jusqu’à la mort contre les factions. Il lut ensuite un mémoire sur le ministère de la guerre. Son exorde était agressif contre les Jacobins et réclamait le respect dû aux ministres du pouvoir exécutif. « Entendez-vous le Cromwell ? s’écria Guadet d’une voix tonnante. Il se croit déjà si sûr de l’empire qu’il ose nous infliger ses conseils. — Et pourquoi pas ? » dit fièrement Dumouriez en se retournant vers la Montagne. Son assurance imposa à l’Assemblée ; son attitude militaire le fit respecter du peuple. Les députés feuillant sortirent avec lui et l’accompagnèrent aux Tuileries. Le roi lui annonça qu’il consentirait à donner sa sanction au décret des vingt mille hommes. Quant au décret sur les prêtres, il répéta aux ministres que son parti était pris ; il les chargea de porter au président de l’Assemblée une lettre de sa main qui contenait les motifs de son veto. Les ministres s’inclinèrent et se séparèrent consternés.