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dement à l’opinion comme la cause de tout mal, comme l’obstacle à tout bien, le contraindre enfin, à force d’insolences et d’outrages, à les chasser, pour l’accuser ensuite de trahir en eux la Révolution, telle était leur tactique, résultant de leur faiblesse plus encore que de leur ambition.

Ce système de dénigrement du roi dont ils étaient les ministres était le fond de la conjuration de madame Roland. Chez Roland, ce n’était qu’une humeur chagrine ; chez ses collègues, c’était une rivalité de patriotisme avec Robespierre ; chez madame Roland, c’était la passion de la république qui s’impatientait d’un reste de trône, et qui souriait avec complaisance aux factions prêtes à renverser la monarchie. Quand les factions n’avaient plus d’armes, madame Roland et ses amis s’empressaient de leur en prêter.


II

On en vit un fatal exemple dans une démarche du ministre de la guerre Servan. Ce ministre, dominé par madame Roland, proposa à l’Assemblée nationale, sans l’autorisation du roi et sans l’aveu du conseil, de rassembler un camp de vingt mille hommes autour de Paris. Cette armée, composée de fédérés choisis parmi les hommes les plus exaltés des provinces, devait être, dans le plan des Girondins, une sorte d’armée centrale de l’opinion, dévouée à l’Assemblée, contre-balançant la garde du roi,