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et par légèreté avant la Révolution, superstitieux depuis par entraînement et par faiblesse, il défiait de loin la Révolution de son épée. Il semblait plus propre à l’irriter qu’à la vaincre ; il annonçait dès cette époque ces témérités sans portée et ces provocations sans force qui devaient un jour lui coûter le trône. Mais sa beauté, sa grâce, sa cordialité, couvraient ses imperfections d’intelligence ; il semblait destiné à ne jamais mourir. Vieux d’années, il devait régner et mourir éternellement jeune. C’était le prince de cette jeunesse : il eût été François Ier à une autre époque ; à la sienne il fut Charles X.

Le prince de Condé était militaire de sang, de goût et de métier. Il méprisait ces deux cours transplantées sur les bords du Rhin ; sa cour à lui était son camp. Son fils, le duc de Bourbon, faisait ses premières armes sous ses ordres. Son petit-fils, le duc d’Enghien, âgé de dix-sept ans, lui servait déjà d’aide de camp. Ce jeune prince était la grâce mâle de ce camp des émigrés ; sa bravoure, son élan, sa générosité, promettaient un héros de plus à cette race héroïque des Condé : digne de vaincre pour une cause moins condamnée, ou digne de mourir en plein jour sur un champ de bataille, et non comme il mourut quelques années plus tard, au fond du fossé de Vincennes, à la lueur d’une lanterne, sans autre ami que son chien, et sous les balles d’un peloton commandé de nuit, comme pour un assassinat.