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maient des conseils d’un gouvernement imaginaire ; ils briguaient des missions ; ils rêvaient des plans ; ils nouaient des intrigues ; ils couraient dans toutes les cours ; ils ameutaient les souverains et leurs ministres contre la France ; ils se disputaient la faveur des princes français ; ils transportaient sur la terre de l’exil les ambitions, les rivalités, les cupidités des cours.

Les militaires n’y avaient transporté que la bravoure, l’insouciance, la légèreté et la grâce de leur nation et de leur métier. Coblentz était le camp de l’illusion et du dévouement. Cette poignée de braves se croyait une nation et se préparait, en s’exerçant aux manœuvres et aux campements de la guerre, à reconquérir en quelques marches toute une monarchie. Les émigrés de tous les pays et de tous les temps ont présenté ce spectacle. L’émigration a son mirage comme le désert. On croit avoir emporté la patrie à la semelle de ses souliers, comme disait Danton ; on n’emporte que son ombre, on n’accumule que sa colère, on ne retrouve que sa pitié.


XIV

Parmi les premiers émigrés, trois factions correspondaient à ces partis divers dans l’émigration elle-même.

Le comte de Provence, depuis Louis XVIII, était un prince philosophe, politique, diplomate, incliné d’esprit aux innovations, ennemi de la noblesse, du sacerdoce,