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litzin, au cercle de l’empereur, c’est comme si on vous l’avait déclarée à vous-mêmes. » Le commandement général des forces prussiennes et autrichiennes fut donné au duc de Brunswick. Les deux princes ne firent en cela que ratifier le choix de l’Allemagne ; c’était l’opinion qui l’avait nommé. L’Allemagne se meut lentement ; les fédérations sont impropres aux guerres soudaines. La campagne s’ouvrit du côté des Français avant que la Prusse et l’Autriche eussent préparé leurs armements.

Dumouriez avait compté sur cette lourdeur et sur cet engourdissement des deux monarchies allemandes. Son plan habile consistait à couper la coalition en deux et à faire une brusque invasion en Belgique avant que la Prusse pût se trouver sur le terrain. Si Dumouriez eût été à la fois l’inventeur et l’exécuteur de son plan, c’en était fait de la Belgique et de la Hollande ; mais La Fayette, chargé d’effectuer l’invasion à la tête de quarante mille hommes, n’avait ni les témérités ni la fougue de cet homme de guerre. Général d’opinion plutôt que général d’armée, il était accoutumé à commander à des bourgeois sur la place publique plutôt qu’à des soldats en campagne. Brave de sa personne, aimé des troupes, mais plus citoyen que militaire, il avait fait la guerre d’Amérique avec des poignées d’hommes libres et non avec des masses indisciplinées. Ne pas compromettre ses soldats, défendre avec intrépidité des frontières, mourir généreusement à des Thermopyles, haranguer héroïquement des gardes nationales, passionner ses troupes pour ou contre des opinions, telle était la nature de La Fayette. Les hardiesses de la grande guerre, qui risque beaucoup pour tout sauver, et qui découvre un moment une frontière pour aller frapper un empire au cœur, ne con-