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Charles-Frédéric-Ferdinand de Brunswick-Wolfenbuttel, nourri dans les combats, dans les lettres et dans les plaisirs, avait respiré dans les camps du grand Frédéric le génie de la guerre, l’esprit de la philosophie française et le machiavélisme de son maître. Il avait fait avec ce roi philosophe et soldat toutes les campagnes de la guerre de Sept ans. À la paix il voyagea en France et en Italie. Accueilli partout comme le héros de l’Allemagne et comme l’héritier du génie de Frédéric, il avait épousé une sœur du roi d’Angleterre George III. Sa capitale, où brillaient ses maîtresses et où dissertaient les philosophes, réunissait l’épicurisme des cours à l’austérité des camps. Il régnait selon les préceptes des sages ; il vivait selon les exemples des Sybarites. Mais son âme de soldat, qui se livrait trop facilement à la beauté, ne s’éteignait pas dans l’amour ; il ne donnait que son cœur aux femmes, il réservait sa tête à sa gloire, à la guerre et au gouvernement de ses États. Mirabeau, jeune alors, s’était arrêté à sa cour en allant à Berlin recueillir les dernières lueurs du grand Frédéric. Le duc de Brunswick avait apprécié Mirabeau. Ces deux hommes placés à des rangs si divers se ressemblaient par leurs qualités et par leurs défauts. C’étaient deux esprits révolutionnaires ; mais, par la différence des situations et des patries, l’un était destiné à faire une révolution et l’autre à la combattre.

Quoi qu’il en soit, Mirabeau fut séduit par le souverain qu’il avait mission de séduire. « La figure de ce prince, écrit-il dans sa Correspondance secrète, annonce la profondeur et la finesse. Il parle avec élégance et précision ; il est prodigieusement instruit, laborieux, perspicace ; il a des correspondances immenses, il ne les doit qu’à son mérite ;