Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cher aux Jacobins, lié avec madame Roland, tenait la balance de sa popularité en équilibre, de peur d’avoir à en perdre la moitié en se prononçant entre les deux factions. Il essaya le lendemain d’opérer une réconciliation générale. « Des deux côtés, dit-il en finissant, je vois mes amis. » Il y eut une trêve apparente ; mais Guadet et Brissot firent imprimer leurs discours avec des additions injurieuses contre Robespierre. Ils sapèrent sourdement sa réputation par de nouvelles calomnies. Un nouvel orage éclata le 30 avril.

On proposait d’interdire les dénonciations sans preuves. « Réfléchissez à ce qu’on vous propose, dit Robespierre. La majorité ici est une faction qui veut par ce moyen nous calomnier librement et étouffer nos accusations par le silence. Si vous décrétez qu’il me sera interdit de me défendre contre les libellistes conjurés contre moi, je quitte cette enceinte et je m’ensevelis dans la retraite. — Robespierre, nous t’y suivrons ! s’écrient des voix de femmes dans les tribunes. — On a profité du discours de Pétion, continue-t-il, pour répandre d’odieux libelles contre moi. Pétion lui-même en est indigné. Son cœur s’est répandu dans le mien. Il gémit des outrages dont on m’abreuve. Lisez le journal de Brissot, vous y verrez qu’on m’invite à ne pas apostropher toujours le peuple dans mes discours. Oui, il faut s’interdire de prononcer le nom du peuple, sous peine de passer pour un factieux, pour un tribun. On me compare aux Gracques. On a raison de me comparer à eux. Ce qu’il y aura de commun entre nous, peut-être, ce sera leur fin tragique. C’est peu : on me rend responsable d’un écrit de Marat qui me désigne pour tribun en prêchant sang et carnage. Ai-je professé jamais de pareils princi-