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du crime. C’était là sa faiblesse, une hypocrisie à rebours. Mes vers dormirent longtemps sans être publiés.

Je lus et je relus depuis, avec une admiration toujours plus passionnée, ceux de lord Byron. Ce fut un second Ossian pour moi, l’Ossian d’une société plus civilisée, et presque corrompue par l’excès même de sa civilisation : la poésie de la satiété, du désenchantement et de la caducité de l’âge. Cette poésie me charma, mais elle ne corrompit pas mon bon sens naturel. J’en compris une autre, celle de la vérité, de la raison, de l’adoration et du courage.

Je souffris quand je vis, plus tard, lord Byron se faire le parodiste de l’amour, du génie et de l’humanité, dans son poëme de Don Juan.

Je jouis quand je le vis se relever de son scepticisme et de son épicurisme, pour aller de son or et de son bras soutenir en Grèce la liberté renaissante d’une grande race. La mort le cueillit au moment le plus généreux et le plus véritablement épique de sa vie. Dieu semblait attendre son premier acte de vertu publique pour l’absoudre de sa vie par une sublime mort. Il mourut martyr volontaire d’une cause désintéressée. Il y a plus de poésie vraie et impérissable dans la tente où la fièvre le couche à Missolonghi, sous ses armes, que dans toutes ses œuvres. L’homme en lui a grandi ainsi le poëte, et le poëte à son tour immortalisera l’homme.