Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
DE LA POÉSIE.

Maintenant, puisque ceci est une préface, il faudrait parler du livre et de moi : eh bien ! je le ferai avec une sincérité entière. Le livre n’est point un livre, ce sont des feuilles détachées et tombées presque au hasard sur la route inégale de ma vie, et recueillies par la bienveillance des âmes tendres, pensives et religieuses. C’est le symbole vague et confus de mes sentiments et de mes idées, à mesure que les vicissitudes de l’existence et le spectacle de la nature et de la société les faisaient surgir dans mon cœur ou les jetaient dans ma pensée : ces sentiments et ces idées ont varié avec ma vie même, tantôt sereines et heureuses comme le matin du cœur, tantôt ardentes et profondes comme les passions de trente ans, tantôt désespérées comme la mort et sceptiques comme le silence du sépulcre, quelquefois rêveuses comme l’espérance, pieuses comme la foi, enflammées comme cet amour divin qui est l’âme cachée de toute la nature.

Mais quelle qu’ait été, quelle que puisse être encore la diversité de ces impressions jetées par la nature dans mon âme, et par mon âme dans mes vers, le fond en fut toujours un profond instinct de la Divinité dans toutes choses ; une vive évidence, une intuition plus ou moins éclatante de l’existence et de l’action de Dieu dans la création matérielle et dans l’humanité pensante ; une conviction ferme et inébranlable que Dieu était le dernier mot de tous, et que les philosophies, les religions, les poésies n’étaient que des manifestations plus ou moins complètes de nos rapports avec l’Être infini, des échelons plus ou moins sublimes pour nous rapprocher successivement de Celui qui est ! Les religions sont la poésie de l’âme.

Ces poésies, auxquelles la soif ardente de cette époque a prêté souvent un prix, une saveur qu’elles n’avaient pas en