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PRÉFACE GÉNÉRALE.

j’aimerais mieux en faire un bûcher de papier noirci, et en livrer au vent du soir la vaine fumée !

Mais la conscience est là qui me dit : « Arrête ! Tu dois du pain à des centaines de bouches ; tes œuvres ont un prix matériel avec lequel s’achète l’aliment de ces familles envers qui tu es redevable de leur existence. Prie les hommes d’acheter de toi ces vanités de plume ; ces vanités deviendront saintes en devenant du pain quotidien. » Encore une fois, aucun autre motif que celui-là ne me contraint à cette publication.

Il y a longtemps que la dernière racine de toute vanité littéraire ou politique est séchée en moi, comme si elle n’y avait jamais germé. Je ne me crois ni classique en poésie, ni infaillible en histoire, ni toujours irréprochable en politique. Quand je repasse mes œuvres ou ma vie, je me juge moi-même avec plus de justice, mais avec autant de sévérité que peuvent le faire mes ennemis. Pourquoi ? Parce que je me juge non devant les hommes, mais devant Dieu, dont la lumière éclatante fait ressortir toutes les taches. À quoi servirait donc la conscience, si ce n’était à se frapper la poitrine avant l’heure où le dernier soupir doit, à défaut d’innocence, emporter du moins toutes les honnêtetés de l’âme au Juge miséricordieux de nos faiblesses. Cette confession publique que les premiers chrétiens faisaient aux portes du temple doit se faire par l’honnête homme, à haute voix, devant les portes de la postérité. Ce sera une des étrangetés spéciales de cette édition finale et unique que ces jugements que j’y porterai, en notes, sans pitié