Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/482

Cette page a été validée par deux contributeurs.
480
MÉDITATIONS


Un jour le temps jaloux, d’une haleine glacée,
Fanera tes couleurs comme une fleur passée
Sur ces lits de gazon ;
Et sa main flétrira sur tes charmantes lèvres
Ces rapides baisers, hélas ! dont tu me sèvres
Dans leur fraîche saison.

Mais quand tes yeux, voilés d’un nuage de larmes,
De ces jours écoulés qui t’ont ravi tes charmes
Pleureront la rigueur ;
Quand dans ton souvenir, dans l’onde du rivage,
Tu chercheras en vain ta ravissante image,
Regarde dans mon cœur.

Là, ta beauté fleurit pour des siècles sans nombre ;
Là, ton doux souvenir veille à jamais à l’ombre
De ma fidélité,
Comme une lampe d’or dont une vierge sainte
Protége avec la main, en traversant l’enceinte,
La tremblante clarté.

Et quand la mort viendra, d’un autre amour suivie,
Éteindre en souriant de notre double vie
L’un et l’autre flambeau,
Qu’elle étende ma couche à côté de la tienne,
Et que ta main fidèle embrasse encor la mienne
Dans le lit du tombeau !

Ou plutôt puissions-nous passer sur cette terre,
Comme on voit en automne un couple solitaire