Que je t’aime quand, sur ma poupe,
Des festons de mille couleurs,
Pendant au vent qui les découpe,
Te couronnent comme une coupe
Dont les bords sont voilés de fleurs !
Qu’il est doux, quand le vent caresse
Ton sein mollement agité,
De voir, sous ma main qui la presse,
Ta vague qui s’enfle et s’abaisse
Comme le sein de la beauté !
Viens à ma barque fugitive,
Viens donner le baiser d’adieux ;
Roule autour une voix plaintive,
Et de l’écume de ta rive
Mouille encore mon front et mes yeux.
Laisse sur ta plaine mobile
Flotter ma nacelle à son gré
Et sous l’antre de la Sibylle,
Ou sur le tombeau de Virgile :
Chacun de tes flots m’est sacré.
Partout sur ta rive chérie,
Où l’amour éveilla mon cœur,
Mon âme, à sa vue attendrie,
Trouve un asile, une patrie,
Et des débris de son bonheur.
Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/460
Cette page a été validée par deux contributeurs.
458
MÉDITATIONS