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POÉTIQUES.


Enfant, j’aimais, comme eux, à suivre dans la plaine
Les agneaux pas à pas, égarés jusqu’au soir ;
À revenir, comme eux, baigner leur blanche laine

Dans l’eau courante du lavoir.


J’aimais à me suspendre aux lianes légères,
À gravir dans les airs de rameaux en rameaux,
Pour ravir le premier, sous l’aile de leurs mères,

Les tendres œufs des tourtereaux.


J’aimais les voix du soir dans les airs répandues,
Le bruit lointain des chars gémissant sous leur poids,
Et le sourd tintement des cloches suspendues

Au cou des chevreaux dans les bois.


Et depuis, exilé de ces douces retraites,
Comme un vase imprégné d’une première odeur,
Toujours, loin des cités, des voluptés secrètes

Entraînaient mes yeux et mon cœur.


Beaux lieux, recevez-moi sous vos sacrés ombrages !
Vous qui couvrez le seuil de rameaux éplorés,
Saules contemporains, courbez vos longs feuillages

Sur le frère que vous pleurez.


Reconnaissez mes pas, doux gazons que je foule,
Arbres que dans mes jeux j’insultais autrefois ;
Et toi qui loin de moi te cachais à la foule,

Triste écho, réponds à ma voix.


Je ne viens pas traîner, dans vos riants asiles,
Les regrets du passé, les songes du futur :
J’y viens vivre, et, couché sous vos berceaux fertiles,

Abriter mon repos obscur.