Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/405

Cette page a été validée par deux contributeurs.
403
POÉTIQUES.


Dieu ! laisse-moi cueillir cette palme féconde,
Et dans mon sein ravi l’emporter pour toujours,
Ainsi que le torrent emporte dans son onde
Les roses de Sarons qui parfument son cours !

Quand pourrai-je la voir sur l’enfant qui repose
S’incliner doucement dans le calme des nuits ?
Quand verrai-je ses fils, de leurs lèvres de rose,
Se suspendre à son sein comme l’abeille aux lis ?

À l’ombre du figuier, près du courant de l’onde,
Loin de l’œil de l’envie et des pas du pervers,
Je bâtirai pour eux un nid parmi le monde,
Comme sur un écueil l’hirondelle des mers.

Là, sans les abreuver à ces sources amères
Où l’humaine sagesse a mêlé son poison,
De ma bouche, fidèle aux leçons de mes pères,
Pour unique sagesse ils apprendront ton nom.

Là, je leur laisserai le modeste héritage
Qu’aux petits des oiseaux Dieu donne à leur réveil,
L’eau pure du torrent, un nid sous le feuillage,
Les fruits tombés de l’arbre, et ma place au soleil.

Alors, le front chargé de guirlandes fanées,
Tel qu’un vieil olivier parmi ses rejetons,
Je verrai de mes fils les brillantes années
Cacher mon tronc flétri sous leurs jeunes festons.

Alors j’entonnerai l’hymne de ma vieillesse,
Et, convive enivré des vins de ta bonté,
Je passerai la coupe aux mains de la jeunesse,
Et je m’endormirai dans ma félicité.