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POÉTIQUES.


La beauté, dans le songe où son âme s’égare,
Soulève un œil d’azur qui réfléchit les cieux,
Et ses doigts au hasard errant sur sa guitare
Jettent aux vents du soir des sons mystérieux :

« Viens : l’amoureux silence occupe au loin l’espace ;
» Viens du soir près de moi respirer la fraîcheur !
» C’est l’heure ; à peine au loin la voile qui s’efface
» Blanchit, en ramenant le paisible pêcheur.

» Depuis l’heure où ta barque a fui loin de la rive,
» J’ai suivi tout le jour ta voile sur les mers,
» Ainsi que de son nid la colombe craintive
» Suit l’aile du ramier qui blanchit dans les airs.

» Tandis qu’elle glissait sous l’ombre du rivage,
» J’ai reconnu ta voix dans la voix des échos ;
» Et la brise du soir, en mourant sur la plage,
» Me rapportait tes chants prolongés sur les flots.

» Quand la vague a grondé sur la côte écumante,
» À l’étoile des mers j’ai murmuré ton nom ;
» J’ai rallumé ma lampe, et de ta seule amante
» L’amoureuse prière a fait fuir l’aquilon.

» Maintenant sous le ciel tout repose, ou tout aime :
» La vague en ondulant vient dormir sur le bord,
» La fleur dort sur sa tige, et la nature même
» Sous le dais de la nuit se recueille et s’endort.

» Vois : la mousse a pour nous tapissé la vallée ;
» Le pampre s’y recourbe en replis tortueux,
» Et l’haleine de l’onde, à l’oranger mêlée,
» De ses fleurs qu’elle effeuille embaume mes cheveux.