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MÉDITATIONS


Hélas ! partout où tu repasses,
C’est le deuil, le vide ou la mort ;
Et rien n’a germé sur nos traces
Que la douleur ou le remord.
Voilà ce cœur où ta tendresse
Sema des fruits que ta vieillesse,
Hélas ! ne recueillera pas :
Là l’oubli perdit ta mémoire ;
Là l’envie étouffa ta gloire ;
Là ta vertu fit des ingrats.

Là l’Illusion éclipsée
S’enfuit sur un nuage obscur ;
Ici l’Espérance lassée
Replia ses ailes d’azur.
Là, sous la douleur qui le glace,
Ton sourire perdit sa grâce,
Ta voix oublia ses concerts ;
Tes sens épuisés se plaignirent,
Et tes blonds cheveux se teignirent
Au souffle argenté des hivers.

Ainsi des rives étrangères
Quand l’homme, à l’insu des tyrans,
Vers la demeure de ses pères
Porte en secret ses pas errants,
L’ivraie a couvert ses collines,
Son toit sacré pend en ruines,
Dans ses jardins l’onde a tari ;
Et, sur le seuil qui fut sa joie,
Dans l’ombre un chien féroce aboie
Contre les mains qui l’ont nourri.