J’avais peu lu la Bible. J’avais parcouru seulement, comme tout le monde, les strophes des psaumes de David ou des Prophètes, dans les livres d’heures de ma mère. Ces langues de feu m’avaient ébloui. Mais cela me paraissait si peu en rapport avec le genre de poésie adapté à nos civilisations et à nos sentiments d’aujourd’hui, que je n’avais jamais pensé à lire de suite ces feuilles détachées des sibylles bibliques.
Il y avait en ce temps, à Paris, un jeune homme d’une figure spirituelle, fine et douce, qu’on appelait M. de Genoude. Je l’avais rencontré chez son ami le duc de Rohan. Il cultivait aussi M. de Lamennais, M. de Montmorency, M. de Châteaubriand. Il me témoigna un des premiers une tendre admiration pour mes poésies, dont il ne connaissait que quelques pages. Nous nous liâmes d’une certaine amitié. Ce jeune homme traduisait alors la Bible. Il arrivait souvent chez moi le matin, les épreuves de sa traduction à la main, et je lui faisais lire des fragments qui me révélaient une région plus haute et plus merveilleuse de poésie.