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DES MÉDITATIONS.

Cette poésie des derniers jours, pour en être plus grave, n’en est pas moins céleste : au contraire, elle se purifie et se divinise en remontant au seul être qui mérite d’être éternellement contemplé et chanté, l’Être infini ! C’est encore la séve du cœur de l’homme, formée de larmes, d’amour, de délires, de tristesses ou de voluptés ; mais ce cœur, mûri par les longs soleils de la vie, n’en est pas moins savoureux : il est comme l’arbre d’encens que j’ai vu dans les sables de la Judée, dont la séve en vieillissant devient parfum, et qui passe des jardins, où on le cueillait et l’ombre, sur l’autel où on le brûle à la gloire de Jéhovah.

Une naïve et touchante image de ces deux natures de poésie et des deux natures de sons que rend l’âme du poète aux différents âges me revient de loin à la mémoire au moment où j’écris ces lignes.

Quand nous étions enfants, nous nous amusions quelquefois, mes petites sœurs et moi, à un jeu que nous appelions la musique des anges. Ce jeu consistait à plier une baguette d’osier en demi-cercle ou en arc à angle très-aigu, à en rapprocher les extrémités par un fil semblable à la corde sur laquelle on ajuste la flèche, à nouer ensuite des cheveux d’inégale grandeur aux deux côtés de l’arc, comme sont disposées les fibres d’une harpe, et à exposer cette petite harpe au vent. Le vent d’été, qui dort et qui respire alternativement d’une haleine folle, faisait frissonner le réseau, et en tirait des sons d’une ténuité presque imperceptible, comme il en tire des feuilles dentelées des sapins. Nous prêtions tour à tour l’oreille, et nous nous imaginions que c’étaient les esprits célestes qui chantaient. Nous nous servions habituellement, pour ce jeu, des longs cheveux fins, jeunes, blonds et soyeux, coupés aux tresses pendantes de mes sœurs ; mais, un jour, nous voulûmes éprouver si