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PRÉFACE

sa journée : des moments le matin, des moments le soir, avant et après le travail sérieux et quotidien. Le rossignol lui-même, ce chant de la nature incarné dans les bois, ne se fait entendre qu’à ces deux heures du soleil qui se lève et du soleil qui se couche, et encore dans une seule saison de l’année. La vie est la vie, elle n’est pas un hymne de joie ou un hymne de tristesse perpétuel. L’homme qui chanterait toujours ne serait pas un homme, ce serait une voix.

L’idéal d’une vie humaine a toujours été pour moi celui-ci : la poésie de l’amour et du bonheur au commencement de la vie ; le travail, la guerre, la politique, la philosophie, toute la partie active qui demande la lutte, la sueur, le sang, le courage, le dévouement, au milieu ; et enfin le soir, quand le jour baisse, quand le bruit s’éteint, quand les ombres descendent, quand le repos approche, quand la tâche est faite, une seconde poésie ; mais la poésie religieuse alors, la poésie qui se détache entièrement de la terre et qui aspire uniquement à Dieu, comme le chant de l’alouette au-dessus des nuages. Je ne comprends donc le poëte que sous deux âges et sous deux formes : à vingt ans, sous la forme d’un beau jeune homme qui aime, qui rêve, qui pleure en attendant la vie active ; à quatre-vingts ans, sous la forme d’un vieillard qui se repose de la vie, assis à ses derniers soleils contre le mur du temple, et qui envoie devant lui au Dieu de son espérance ses extases de résignation, de confiance et d’adoration, dont ses longs jours ont fait déborder ses lèvres. Ainsi fut David, le plus lyrique, le plus pieux et le plus pathétique à la fois des hommes qui chantèrent leur propre cœur ici-bas. D’abord une harpe à la main, puis une épée et un sceptre, puis une lyre sacrée ; poëte au printemps de ses années, guerrier et roi au milieu, prophète à la fin voilà l’homme d’inspiration complet !