Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
233
POÉTIQUES.

Ils disputaient entre eux des doux soins de leur vie ;
Chacun trouvait son sort le plus digne d’envie :
L’humble berger vantait les doux soins des troupeaux,
Le pêcheur sa nacelle et le charme des eaux ;
Quand un vieillard leur dit, avec un doux sourire :
« Chantez ce que les champs ou l’onde vous inspire !
» Chantez ! Celui des deux dont la touchante voix
» Saura mieux faire aimer les vagues ou les bois,
» Des mains de la maîtresse à qui sa voix est chère
» Recevra le doux prix de ses accords : Néære,
» Offrant à son amant le prix des moissonneurs,
» À sa dernière gerbe attachera des fleurs ;
» Et Næala, tressant les roses qu’elle noue,
» De l’esquif du pêcheur couronnera la proue,
» Et son mât tout le jour, aux yeux des matelots,
» De ses bouquets flottants parfumera les flots. »
Ainsi dit le vieillard. On consent en silence ;
Le beau pêcheur médite, et le pasteur commence.


LE PASTEUR

Quand l’astre du printemps, au berceau d’un jour pur,
Lève à moitié son front dans le changeant azur ;
Quand l’aurore exhalant sa matinale haleine
Épand les doux parfums dont la vallée est pleine,
Et, faisant incliner le calice des fleurs,
De la nuit sur les prés laisse épancher les pleurs ;
Alors que du matin la vive messagère,
L’alouette quittant son nid dans la fougère,
Et modulant des airs gais comme le réveil,
Monte, plane et gazouille au-devant du soleil :