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POÉTIQUES.


Mais quoi ! tandis que le génie
Te ravit si loin de nos yeux,
Les lâches clameurs de l’envie
Te suivent jusque dans les cieux !
Crois-moi, dédaigne d’en descendre ;
Ne t’abaisse pas pour entendre
Ces bourdonnements détracteurs.
Poursuis ta sublime carrière,
Poursuis : le mépris du vulgaire
Est l’apanage des grands cœurs.

Objet de ses amours frivoles,
Ne l’as-tu pas vu tour à tour
Se forger de frêles idoles
Qu’il adore et brise en un jour ?
N’as-tu pas vu son inconstance
De l’héréditaire croyance
Éteindre les sacrés flambeaux,
Brûler ce qu’adoraient ses pères,
Et donner le nom de lumières
À l’épaisse nuit des tombeaux ?

Secouant ses antiques rênes,
Mais par d’autres tyrans flatté,
Tout meurtri du poids de ses chaînes,
L’entends-tu crier : Liberté ?
Dans ses sacriléges caprices,
Le vois-tu, donnant à ses vices
Les noms de toutes les vertus,
Traîner Socrate aux gémonies,
Pour faire en des temples impies
L’apothéose d’Anitus ?