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POÉTIQUES.


— Qui te révélera, redoutable mystère ?
J’écoute en vain la voix des sages de la terre :
Le doute égare aussi ces sublimes esprits,
Et de la même argile ils ont été pétris.
Rassemblant les rayons de l’antique sagesse,
Socrate te cherchait aux beaux jours de la Grèce,
Platon à Sunium te cherchait après lui :
Deux mille ans sont passés, je te cherche aujourd’hui ;
Deux mille ans passeront, et les enfants des hommes
S’agiteront encore dans la nuit où nous sommes.
La vérité rebelle échappe à nos regards,
Dieu seul en réunit tous les fragments épars.

— Ainsi, prêt à fermer les yeux à la lumière,
Nul espoir ne viendra consoler ma paupière :
Mon âme aura passé, sans guide et sans flambeau,
De la nuit d’ici-bas dans la nuit du tombeau ;
Et j’emporte au hasard, au monde où je m’élance,
Ma vertu sans espoir, mes maux sans récompense.
Réponds-moi, Dieu cruel ! S’il est vrai que tu sois,
J’ai donc le droit fatal de maudire tes lois !
Après le poids du jour, du moins le mercenaire
Le soir s’assied à l’ombre, et reçoit son salaire ;
Et moi, quand je fléchis sous le fardeau du sort,
Quand mon jour est fini, mon salaire est la mort !

. . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . .


— Mais tandis qu’exhalant le doute et le blasphème,
Les yeux sur mon tombeau, je pleure sur moi-même,
La foi, se réveillant comme un doux souvenir,
Jette un rayon d’espoir sur mon pâle avenir,