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MÉDITATIONS

De grands golfes d’azur, ou de rêveuses voiles
Répercutant le jour sur leurs ailes de toiles,
Passent d’un bord à l’autre avec les blonds troupeaux,
Les foins fauchés d’hier qui trempent dans les eaux ;
Des monts aux verts gradins que la colline étage,
Qui portent sur leurs flancs les toits du blanc village,
Ainsi qu’un fort pasteur porte, en montant aux bois,
Un chevreau sous son bras sans en sentir le poids ;
Plus haut, les noirs sapins, mousses des précipices,
Et les grands prés tachés d’éclatantes génisses,
Et les chalets perdus pendant tout un été
Sur les derniers sommets de ce globe habité,
Où le regard, épris des hauteurs qu’il affronte,
S’élève avec l’amour, soupir qui toujours monte !…
Désert où l’homme errant, pour leur lait et leur miel,
Trouve la liberté qu’il rapporta du ciel !…
Par-dessus ces sommets la neige blanche ou rose,
Fleur que l’été conserve et que la nue arrose ;
Les glaciers suspendus, océans congelés,
Pour la soif des vallons tour à tour distillés ;
Dans l’abîme assourdi l’avalanche qui plonge ;
Et sous la main de Dieu pressés comme une éponge,
Noyés dans son soleil, fondus à sa lueur,
Ces grands fronts de la terre exprimant sa sueur !…
Je vois blanchir d’ici, dans les sombres vallées,
Des torrents de poussière et des ondes ailées ;
Leur sourd mugissement tonne si loin de moi,
Que je n’entends plus rien du fracas que je voi !

. . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . .


Flèche d’eau du sommet dans le gouffre lancée,
La cascade en sifflant éblouit ma pensée ;
Comme un lambeau de voile arraché par le vent,
Elle claque au rocher, rejaillit en pleuvant,