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ANTONIELLA

duites par la dureté des voisins et par l’excès de nos misères à cette exténuation qui nous retint sur notre paille, les deux tendres jumeaux couchés mourants entre ton corps et le mien, je sentis la mort s’insinuer dans mes veines. Elle ne me fit pas horreur pour moi, ni même pour toi ; nous n’avions rien à espérer sur la terre que la continuation du même supplice dont nous étions déchirées ; notre mort à toutes deux n’était qu’une délivrance ; mais je songeais à ces innocents ! Je voyais les couleurs de la vie s’effacer lentement de leurs joues et se remplacer par les teintes livides de l’agonie ; je me dis :

« — Plus faibles que nous, ils vont mourir avant nous, et nous n’expirerons que sur leurs corps. »