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Mercœur fut le dernier à céder. Deux uns après la soumission de Mayenne, il négociait encore. Ce fut la plus grande faute de cette vie, glorieuse à d’autres titres.

Il faut savoir, en effet, quelles furent les conséquences de ces ajournements pour les habitants des villes ouvertes et des campagnes. Un compte des dépenses faites par le syndic Bagot, d’octobre 1595 à octobre 1596, le prouve trop éloquemment[1]. Avant la trêve, on assiste à un pillage en régie, organisé par les capitaines voisins, notamment par un certain La Fontaine, commandant à Corlay. Tantôt, c’est une demande de barriques de vin, pour dispenser les habitants de Saint-Brieuc des corvées aux fortifications de Corlay ; tantôt, c’est l’apparition de La Fontaine qui vient, en bonne compagnie, prélever une contribution et aussi enlever le comptable, qui reste en prison à Corlay jusqu’à parfait payement. C’est encore le commandant du château de La Coste, qui fait payer au syndic un droit de passage et vient ensuite explorer les celliers des bourgeois ; c’est le capitaine de la tour de Cesson qui, jaloux des succès de ses collègues, lance ses soldats en ville pour y faire des visites domiciliaires, en partageant avec eux les profits.

Nous en passons forcément, car aussi bien n’y avait-il pas un seul des tyranneaux commandant un petit fort, de Corlay à Paimpol, qui ne se crût autorisé à lever la dîme sur ces pacifiques bourgeois. Tout cela, bien entendu, sans préjudice des contributions réclamées tour-à-tour par le roi et par le duc de Mercœur et des confiscations prononcées des deux côtés. À la saisie de l’évêché de Saint-Brieuc en 1591, par ordre du roi, avait succédé, à partir de 1592, la saisie, par ordre de Mercœur, des biens des bourgeois et de ceux « du party contraire à l’Union. » Avec les royalistes, on avait vu les Anglais ravager le pays ; avec les ligueurs étaient venus les Espagnols. Pour ces derniers, la Bretagne était le Petit-Pérou : c’est ainsi qu’ils l’appelaient.

  1. Nous nous bornons à donner un résumé de ce compte, les auteurs des Anciens Evêchés l’ayant fait connaître par extraits (t. ii, ch. 1).