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souffrir de la cherté des denrées. Le 3 octobre, une réunion de notables et de personnes charitables provoqua une souscription publique et la nomination d’une commission des subsistances. Les indigents reçurent des bons de différence, qui leur permirent d’avoir du pain au dessous du cours. La différence ainsi payée par la commission représentait, au mois de décembre, 140 fr. par jour. En même temps, l’administration organisait des ateliers de charité ; mais elle fut arrêtée dans son généreux élan, faute de fonds. Ce ne fut pas sans tristesse que le conseil vit supprimer des sommes portées à son budget, et qu’il considérait comme indispensables. Le malheur rend souvent injuste. La population ouvrière, ne considérant que ses souffrances, en rejeta la faute sur l’administration. Le maire fut si affecté de cette ingratitude qu’il donna sa démission, malgré les instances affectueuses que fit le conseil pour l’en empêcher.

Il fallait non seulement du courage, mais une certaine audace pour accepter la succession de M. Boullé. Un ancien officier, M. Bonnefin, eut cette audace et la conserva pendant dix ans, au milieu des circonstances les plus difficiles. À peine entré en fonctions (18 novembre 1854), il rejeta les palliatifs et les demi-mesures et demanda un emprunt de 152,640 francs, pour acquitter les dettes et couvrir les engagements. Le consentement du conseil et celui du gonvernement furent enlevés l’un après l’autre. L’emprunt fut autorisé, l’année suivante, et garanti par une surtaxe de 0,65 centimes par hectolitre de cidre, pendant neuf ans. La misère cependant augmentait. Dès le mois de novembre 1854, une nouvelle commission d’assistance avait été constituée sur l’initiative du préfet. La charité privée répondit si bien à son appel que les militaires en garnison distribuèrent eux-mêmes des soupes à la caserne, pendant toute la durée de la crise, et en firent distribuer au bureau de bienfaisance. Pour surcroit de malheur, l’hiver se prolongea très tard. La charité n’en devint que plus active. Un fourneau économique fut établi pour les pauvres au bureau de bienfaisance. Le salaire fut un peu élevé dans les ateliers