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tant à cause de son train et de ses largesses que des honneurs qui lui furent rendus ; mais cet éclat même et quelques contestations terminées à son avantage lui aliénèrent des esprits qu’il ne put ramener qu’a force de temps, de douceur et de charité.

De nombreuses difficultés lui vinrent de son clergé. C’était tantôt le chapitre de la cathédrale qui interjetait contre lui appel comme d’abus à cause de ses ordonnances synodales ; tantôt, le théologal lui-même, le savant Noulleau, qui, sous prétexte de réformes, secouait toute discipline, procédait sans cesse contre le chapitre et l’évêque et se faisait interdire ; c’étaient surtout les ecclésiastiques aux mœurs relâchées, du genre de celui qui, sur le passage d’une procession, se tenait à la porte d’un cabaret, un verre à la main, disant tout haut : « À la santé de l’évêque qui défend de boire au cabaret ! » On comprend tout ce qu’un évêque devait souffrir d’un pareil scandale, et cependant il parvint, sans recourir aux voies de rigueur qu’on lui conseillait, à faire accepter une vie régulière aux membres du clergé qui l’avaient oubliée.

Sa conduite ne fut pas moins admirable à l’égard de l’apôtre du calvinisme dans le diocèse, Henriette de La Tour d’Auvergne, marquise de La Moussaye, sœur de Turenne. La marquise, ayant appelé au Parlement d’une sentence de l’officialité concernant les réunions calvinistes qu’elle favorisait dans ses terres de Quintin et de Lorges, rencontra Denis de La Barde à Rennes, sur les degrés du palais, et leva la main pour lui donner un soufflet. L’indulgent évêque lui répondit par un salut et refusa de la poursuivre. Mme de La Moussaye fut tellement touchée de ce procédé qu’elle alla trouver Denis de La Barde, pendant qu’il était en tournée pastorale à Quintin, et lui offrit publiquement ses excuses.

De tels actes firent enfin apprécier ce digne évêque et lui donnèrent une haute autorité en Bretagne et même à la cour. Louis XIV, qui l’estimait fort, lui conféra la présidence perpétuelle des États de Bretagne, distinction inusitée, qui fut vue de mauvais œil dans la province.