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mauvaise nouvelle à l’égard de ce qui nous intéresse, est-elle autre chose que l'émotion de ce sentiment intérieur, qu’il nous est fort difficile de maîtriser dans le premier moment !

J’ai vu exécuter plusieurs morceaux de musique sur le piano, par une jeune demoiselle qui étoit sourde et muette : son jeu étoit peu brillant et néanmoins passable ; mais elle avoit beaucoup de mesure, et je m’aperçus que toute sa personne étoit mue par des mouvemens mesurés de son sentiment intérieur.

Ce fait me fit sentir que le sentiment intérieur suppléoit, dans cette jeune personne, à l’organe de l’ouïe qui ne pouvoit la guider. Aussi, son maître de musique m’ayant appris qu’il l’avoit exercée à la mesure par des signes mesurés, je fus bientôt convaincu que ces signes avoient ému en elle le sentiment dont il est question ; et de là je présumai que ce que l’on attribue entièrement à l’oreille très-exercée et très-délicate des bons musiciens, appartenoit plutôt à leur sentiment intérieur qui, dès la première mesure, se trouve ému par le genre de mouvement nécessaire pour l’exécution d’une pièce.

Nos habitudes, notre tempérament, l’éducation même, modifient cette faculté de s’émouvoir que possède notre sentiment intérieur ; en sorte qu’elle se trouve très-affoiblie dans certains