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proviennent, et qu’ils ne se débarrassent d’aucune enveloppe, comme le fait l’embryon de la graine et celui de l’œuf.

Suivez de même le gemma ou bourgeon qui se détache d’un polype comme d’une hydre, et vous serez convaincus qu’il ne fait aussi que s’étendre et s’accroître, et qu’il n’éclot point, comme fait le poulet ou le ver-à-soie qui sort de son œuf.

Vous aimez sûrement trop l’histoire naturelle pour regretter cette digression, vu son importance. Elle étoit d’ailleurs nécessaire, afin que les considérations essentielles que j’ai à vous présenter sur les animaux sans vertèbres, ne vous paroissent point de simples traits d’imagination, et je ne me permettrois pas de vous en occuper, si je ne m’étois auparavant assuré que ce sont des connoissances solides qu’il vous importe d’acquérir.

Il est donc évident que toute reproduction d’individu ne se fait point par la voie de la fécondation sexuelle, et que là où la fécondation sexuelle ne s’opère pas, il n’y a réellement point d’organe véritablement sexuel  ; ce que l’examen de l’organisation des polypes et des plantes agames confirme clairement.

Or, prétendre qu’un polype a des nerfs, qu’il a des organes respiratoires, qu’il a des organes sexuels, &c. &c. c’est comme si l’on prétendoit qu’il a une colonne vertébrale, des yeux, des oreilles, &c. &c. quoique rien n’en indique l’existence, et quoique ses facultés, extrêmement bornées, attestent que s’il avoit de pareils organes, ils ne lui seroient d’aucun usage, ou bien il cesseroit d’être un polype.

Ne nous efforçons pas de plier la nature à nos vues ; mais observons-la soigneusement, et tâchons de reconnoître, que tendant sans cesse vers un but unique, et suivant constamment un plan général, partout le même, elle emploie néanmoins, pour atteindre son but, des moyens infiniment diversifiés.

Déjà nous avons des moyens solides pour énoncer que par-tout où un organe n’a pas d’emploi, il n’a pas non plus d’existence ; et nous pouvons ajouter, que par-tout où les bornes des facultés indiquent que tel organe seroit inutile, cet organe n’existe pas effectivement ; et ailleurs nous avons fait voir que par-tout où des besoins devenus nécessaires et constans ont exigé la possession de telle faculté dans les individus d’une race, les forces de la vie de chaque individu, dirigées constamment dans un sens approprié à cet égard, ont fait naître l’organe nécessaire à cette faculté, et l’usage soutenu de l’organe l’a développé proportionnellement.