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timents et le modèle de la famille. L’empereur et tous les fonctionnaires s’appellent les père et mère des sujets. La justice s’administre au nom de la piété filiale ; le plus grand crime est l’impiété ; ce dogme est universel de toute antiquité en Chine, — l’impiété est le manquement aux devoirs de famille, — Mais imposés avec tant de rigueur, ces devoirs constituent une tyrannie qui exclut la tendresse et même l’humanité. Pour avoir frappé un parent plus âgé, la peine est la mort ; pour le parricide, c’est le supplice des cent couteaux. La loi punit très sévèrement le manquement aux rites sur le deuil et sur les cérémonies des funérailles qui sont ruineuses. Elle donne tout pouvoir et permet tout au père sur ses enfants ; l’épouse peut frapper impunément les secondes femmes même mortellement, pourvu que la mort n’ait pas lieu dans la journée. Mais comme elle-même peut être maltraitée sans limites par son mari et même être vendue par lui à un autre pour être sa femme, mais non son esclave, elle se trouve en réalité dans la maison sans autre pouvoir que celui de se livrer par désespoir à un acte de violence. Dans les classes inférieures, quand elle n’est plus jeune et qu’elle n’a pas de fils le mari en prend une autre dont elle devient la servante, exactement comme chez les Arabes en Algérie.

Toutefois l’éducation qui enseigne l’union entre les époux (et surtout entre les frères), et la mansuétude générale des mœurs font que, dans la plupart des provinces, les Chinois ne sont point trop mauvais maris bien que les gens du peuple croient de leur dignité de passer pour des maîtres rudes.

Il n’y a que les Bouddhistes qui épousent des veuves. Même encore aujourd’hui nombre de femmes se font un point d’honneur de suivre leur mari dans la tombe, soutenues ou non par l’approbation publique. Elles mettent fin à leurs jours par le poison, la faim, la noyade et surtout la corde^^1. En 1859 des milliers de femmes se suicidèrent pour ne point tomber aux mains des anglo-français qui furent très brutaux.

1 L’empereur Chitsoung promulgua en 1729 un édit notifiant qu’à l’avenir il refuserait sa sanction (autrefois toujours accordée) à l’érection de tablettes et d’arcs de triomphe en l’honneur des veuves suicidées.